C’est une des tendances fortes du confinement : l’abandon du soutien-gorge. On vous voit venir : vous allez nous dire que l’abandon du soutien-gorge est un luxe réservé à celles dont la poitrine ne dépasse pas le bonnet B. Détrompez-vous ! Dans le dernier numéro de Marie Claire sont présentés des témoignages de femmes qui ont choisi de remiser les leurs au placard, pour des tailles de poitrine allant jusqu’au 105 E. Les raisons invoquées ? L’inconfort bien sûr, mais aussi la volonté de se détacher du regard des autres, voire la sensation de redécouvrir son corps tel qu’il est réellement.
Le mouvement n’est pas tout à fait récent : des initiatives telles que Free the Nipple, lancée en 2012 par la réalisatrice américaine Lina Esco, ou encore le #NoBraChallenge, avaient déjà remis sur le tapis une question maintes fois soulevée : le soutien-gorge est-il le corset de notre époque ? Et surtout, est-il vraiment bénéfique pour nos poitrines ? En 2013, dans une étude menée sur quinze ans auprès de 300 femmes de 18 à 35 ans, le professeur Jean-Denis Rouillon révélait que sans soutien, les tissus musculaires de la poitrine se renforceraient. D’après ses résultats, moins l’on porte de soutien-gorge plus les seins sont fermes, et s’en débarrasser permettrait une meilleure respiration. S’il ne s’agissait que d’une étude préliminaire, menée sur un échantillon non représentatif de la population, elle a suffi à semer le doute dans la tête de nombreuses femmes.
Vingt ans et deux mois de confinement plus tard, l’idée a fait son chemin. Cité dans l’article de Marie Claire, un sondage Ifop mené auprès de 3000 femmes au mois de juin révèle que 7% des Françaises de 18 ans et plus ne portent jamais ou presque de soutien-gorge, contre 3% avant le confinement. Deux mois coupés du monde auront suffi à les convaincre, et les jeunes femmes de moins de 25 ans seraient déjà 18% à l’avoir exclu de leurs garde-robes. Un chiffre que le MLF n’aurait jamais espéré en 1968 lorsqu’elles furent les premières à dénoncer ce symbole d’oppression de la femme – et contrairement à la légende, elles ne brulêrent pas leurs soutien-gorges, mais les jetèrent poliment dans des poubelles (on n’est pas des sauvages).
Alors certes, la majorité des femmes ne se sentent pas encore totalement libres avec leurs poitrines, qu’il s’agisse bien sûr de confort ou plus simplement du regard que les hommes portent sur les tétons apparents, le musée d’Orsay sur les décolletés ou la police sur le topless à la plage (pratique d’ailleurs en baisse alors que les hommes ne craignent jamais pour leurs torses nus en public). N’est pas FEMEN qui veut et chaque année, les femmes continuent d’acheter le même nombre de soutiens-gorges. Mais… la tendance est désormais aux modèles souples sans armatures, aux brassières ou même aux caches-tétons – que nous ne saurions voir donc. Des alternatives qui pourraient bien signer la fin du push-up hyper sexualisé et nous aider à assumer enfin nos seins tels qu’ils sont.
Et peut-être qu’un jour, nous finirons toutes par bronzer seins nus en plein coeur des villes, comme les membres du Topless Book Club de New York qui se réunissent régulièrement pour parler littérature dans Central Park, poitrines à l’air. On a, en tout cas, un peu envie d’y croire.