On ne va même pas parler du choc du mot “couvre-feu” appliqué à un pays pas en guerre (ah si, pardon, “nous sommes en guerre” disait Macron le 16 mars dernier et c’est malheureusement toujours le cas depuis), pour se concentrer aujourd’hui sur le terme de “bulle sociale” auquel il nous faut maintenant se familiariser.
QUOI ?
De quoi parle-t-on ? De la possibilité de continuer à voir des gens de manière rapprochée, détendu.e.s du slip, chez soi au chaud, pas de masque youpla, les mains dans le bol de chips commun. Donc autant bien les choisir… Le chiffre magique a été arrêté à 6, inspiré par les mesures déjà mises en place en Angleterre (6), en Belgique (5), en Espagne (10) et au Canada (où l’on n’a carrément pas le droit de recevoir chez soi), pour limiter les interactions et donc contrôler la contagion. Cela veut dire que si votre foyer compte déjà 2 personnes, vous n’avez droit qu’a 4 potes. Car oui, vous faites partie du total.
QUI ?
Sans trop se la péter, notre cercle social est bien plus grand que ça et ça va être chaud de choisir les élu.e.s qui auront le droit a partager la raclette du samedi midi dans la chaleur de notre foyer. Vous pouvez arguer du fait que c’est 6 personnes maximum en même temps et que rien ne vous empêche de renouveler ce cheptel amical, nous répondrons que pour bien jouer le jeu et pouvoir faire des parties de Twister (presque) en toute quiétude, mieux vaut choisir son cercle de confiance et se tenir à lui seul jusqu’à ce que la règle de 6 soit levée. Il s’agit maintenant de gérer sa guest list. Réfléchissez bien aux ami.e.s qui respecteront les règles établies et ne vous saouleront pas trop vite : évitez ceux avec qui les débats s’échauffent rapidement, ceux que vous savez rebelles dans l’âme et qui vous feront peut-être douter de leur sérieux sanitaire, ceux qui plombent l’ambiance systématiquement… Ca parait logique, mais on se colle parfois des amitiés toxiques sans s’en rendre compte, et voici donc l’occasion inespérée de faire un petit break. Peut-il y avoir un cercle de confiance amical et un autre familial ? En théorie, non ; vos parents ou vos frères/soeurs doivent donc faire partie des 6. En pratique, vous allez certainement devenir dingue si vous ne voyez que votre famille le week-end (rappelez-vous de votre adolescence). Faites votre choix en ayant en tête que plus on augmente son cercle, plus on a de risques de contamination – et comme ce sont précisément ses parents qu’on cherche à protéger le plus… Il est presque inévitable que votre bulle ne soit pas 100% imperméable, particulièrement si vous avez des enfants qui ont de fait leur propre vie sociale – ne flippez pas, faites juste attention. Pour être honnête, le gouvernement n’a aucun droit légal pour vérifier que vous appliquez bien cette règle : c’est simplement un devoir moral. Et dans un pays qui cumule 30 000 nouveaux cas de coronavirus en 24h, on se dit que resserrer les liens avec quelques ami.e.s choisi.e.s ou sa famille, ça ne fera pas de mal.Ensuite, pensez aux autres – pas juste à vous. Sans être l’Abbé Pierre, scannez votre entourage pour repérer les éventuels besoins sociaux problématiques de vos proches. Vous avez un couple d’amis qui ne va plus pouvoir se supporter au bout d’un mois de yeux dans les yeux ? Ca leur ferait peut-être du bien de pouvoir relâcher la pression chez vous de temps en temps. Une copine célibataire qui va péter un câble si elle vit ces quelques semaines sans sorties nocturnes ? Soyez cool et incluez-la dans votre quaranteam. Enfin, réfléchissez bien aux +1. Si vous invitez Machin que vous aimez tant, il viendra au brunch avec Truc, sa chérie, que vous aimez moins. Ca vaut pour les enfants, les chiens et les colocs, parfois. Ouais, c’est compliqué. Pensez aussi aux talents d’hôtes et de cuistots des uns et des autres – ça paraît snob, mais qui a dû avaler des knacki balls sur un tabouret dans un salon moche n’a pas particulièrement hâte de répéter l’expérience. Évitez aussi d’être la seule personne qui reçoit, paye les courses et se tape toute la vaisselle après. Oh, et réfléchissez aux trajets… Ça compte aussi : devoir partir en urgence de son early apéro en flippant de se prendre une prune parce que le trajet prend 45 minutes, c’est pas top.Pour finir, nous savons tou.te.s a priori qui sont les personnes les plus chères à notre cœur et pensons naturellement que c’est réciproque. A priori… Imaginez la scène : vous scrollez sur Instagram et tombez sur une pyjama party ou vous n’avez pas été convié.e. Ça fait mal. Se rendre compte qu’on ne fait pas partie du podium amical de quelqu’un, ça peut être un peu rude à encaisser et vous n’avez probablement ni envie de le vivre, ni de le faire subir. Ménagez les susceptibilités, car à moins de signer une clause de confidentialité avec vos potes afin de ne pas diffuser sur les réseaux la folle ambiance qui règne au high tea dominical, il va falloir devenir adultes quelques semaines et se réjouir de la richesse de l’amitié des autres. Et pourquoi pas se connecter de salon de 6 en salon de 6 pour une grande dance party sur Zoom – presque comme avant ?PS :vous avez aussi le droit de dire “non” à une bulle sociale qui ne vous conviendrait pas, peu importe votre raison (amitié molle, peur de la contagion, etc). Nous sommes régi.e.s par le moment présent et tout est excusable car absolument inédit. Trouvez d’autres moyens de connecter avec ces ami.e.s en envoyant des cartes postales à l’ancienne, un paquet de biscuits fabriqués de vos mains, ou en passant simplement un petit coup de fil de temps en temps.