Du 17 au 20 août dernier avait lieu la Convention Démocrate américaine, grande messe du parti où Joe Biden, accompagné de Kamala Harris, était officiellement investi candidat aux prochaines élections présidentielles. Covid-19 oblige, ce grand raout s’est déroulé à huis clos, retransmise à la télévision et en ligne. Un tournant dans le modèle classique des grands événements politiques : pour la première fois, les différents intervenants, filmés pour beaucoup dans l’intimité de leurs foyers, s’invitaient à la table des Américains plutôt que de délivrer leurs discours sur une estrade devant une foule de partisans agitant des fanions aux couleurs de leurs champions. Les vidéos, parfois de mauvaise qualité, semblaient appuyer le mot d’ordre de ce rassemblement : l’authenticité. Après tout, les femmes et les hommes politiques sont des gens comme tout le monde, avec des cuisines moches ou des bookcases plus ou moins crédibles.
Après un été remué par la crise sanitaire, les violences policières et les manifestations anti-racisme, ces quatre jours de campagne ont ainsi pris une tournure intimiste et émotionnelle inédite, décryptée par le journal The Atlantic. Ouverte par un hommage aux plus de 165 000 Américains décédés du Covid-19, la convention s’est poursuivie par des discours axés sur l’affect et sur les expériences individuelles des citoyens touchés par les récents événements. Oui, les violons étaient de sortie, mais la DNC (Democratic National Convention) n’a pas cherché à exploiter le désarroi de la population malgré le côté show de sa production. Elle a simplement fait un truc fou, à savoir le nécessaire : reconnaître la douleur des gens, geste que l’actuel POTUS n’aura toujours pas daigné faire.
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Le premier discours de soutien à Joe Biden ne fut pas donc celui d’Obama ou d’un autre ponte du parti, il fut délivré par Jacquelyn Brittany, une garde de sécurité afro-américaine de 31 ans, filmée dans les locaux du New York Times où elle est employée. Évoquant sa rencontre avec le futur candidat durant laquelle elle lui avait déclaré son admiration dans une vidéo devenue virale, elle affirma à nouveau « pendant ce court moment passé avec Joe Biden, j’ai vu qu’il me voyait vraiment. Qu’il en avait quelque chose à faire, que ma vie avait un sens pour lui. ». Biden se déclara ensuite, de manière très sincère, honoré d’avoir le soutien de la jeune femme. Humilité, modestie et estime mutuelle ; un recentrage vers l’essentiel en somme.
Exit le jargon politique, c’est au coeur des Américains que les intervenants s’adressaient ce soir-là, saluant leur courage et leur résilience, reconnaissant leurs souffrances, en appelant aux émotions humaines plutôt qu’à la réflexion stratégique. Le frère de George Floyd délivrant un discours puissant à propos de l’héritage laissé par les centaines de victimes afro-américaines de violences policières, la mère d’Eric Garner rejoignant Joe Biden pour une table ronde virtuelle, la fille d’une victime du COVID19 déclarant “le coronavirus a montré qu’il y a deux Amériques : celle dans laquelle Donald Trump vit et celle dans laquelle mon père est mort”… Impossible de rester de marbre devant ces témoignages poignants.
Mais comme dans les films, la DNC n’était pas que tragédie et, malgré les circonstances terribles, l’espoir et l’optimisme furent aussi de la partie. Grande star de l’événement, Brayden Harrington, 13 ans, expliquait comment sa rencontre avec Joe Biden lui avait donné la confiance nécessaire pour lutter contre son bégaiement et mieux s’exprimer en public, images touchantes à l’appui.
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Un discours fort de symboles, comme celui prononcé par une Michelle Obama bourrée d’empathie, évoquant les problèmes auxquels font face les Américains au quotidien, appelant à la résilience, à l’espoir et, bien sûr, au vote démocrate.
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Étrangement, un des moments les plus forts de ce show politique inédit fut la gêne de Biden et Harris après le discours d’investiture de celle-ci, lorsque tous deux se retrouvèrent dans l’impossibilité de se féliciter et de se serrer dans le bras. Leur élan coupé, leurs regards en disent long. La caméra panote et la salle est vide, remplie de rangées de chaises inoccupées. Nous venons de vivre la scène la plus vraie de cette convention et de comprendre que malgré la distance, les Démocrates ont réussi le tour de force de rapprocher tout le monde.
Bienvenue dans l’ère de l’authenticité où les discours sont dignes d’un talk-show d’Oprah, où tous les moyens sont bons (Biden et Harris font campagne jusque dans le jeu vidéo Animal Crossing et leur merchandising est en train de devenir culte) et où l’espoir est encore plus puissant que la peur.
Merci à notre décrypteuse de politique américaine Carole Zibi
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