C’est arrivé. Après deux mois enfermé(e)s, nous avons enfin de droit de sortir… Mais pourtant, certain(e)s d’entre nous préfèrent rester chez eux, enfermé(e)s presque comme avant, quand on n’en avait pas le choix. Pendant que d’autres se précipitent dehors retrouver les joies d’une vie sociale presque normale, une partie de la population a la nostalgie du coconfinement. Parce que dehors, c’est la maladie, les autres, les conventions sociales, parce c’est comme avant mais en plus bizarre. Parce que dedans, c’est chez soi, tranquille, maîtrisé, parce c’est comme on veut ou quasiment. Tout ça, oui, et plus encore.
La Cabin Fever est née au moment de la Ruée vers l’Or, lorsque les chercheurs de pépites partaient vivre pendant des mois, voire des années, dans des petites huttes au bout des USA pour tenter de faire fortune. Leur retour à la civilisation se faisait difficilement après ce long isolement, loin de la société. Les gardiens de phare, paraît-il, ressentent également cette inadaptation au monde quand ils essayent d’y revenir. Et l’auteure de ces lignes qui a vécu non-stop pendant 8 semaines dans 43m2 à Paris, aussi. Vous aussi, vous avez le blues depuis le 11 mai ? C’est normal.
Le syndrome de la cabane se manifeste par de l’angoisse, une fatigue généralisée (envie de sieste, difficultés à se lever le matin, jambes lourdes…), une certaine tristesse, une irritabilité plus grande, de la frustration… Alors qu’on devrait se réjouir de pouvoir ressortir, on se retrouve comme recroquevillé(e)s mentalement, en décalage complet avec nos copains hystériques de l’apéro. Pas de panique, c’est un état a priori passager et… tout à fait justifié.
Nous avons vécu une période étrange, ultra anxiogène mais dans laquelle nous avons bizarrement trouvé du plaisir. Des plaisirs simples : celui d’être en famille et de pouvoir passer ce temps privilégié avec ceux qu’on aime, celui d’être solo et de kiffer la solitude sans avoir à s’en excuser, celui de ne pas dépenser d’argent, celui de ne pas avoir à jouer le jeu social, celui du silence, du selfcare, de l’autogestion… Celui du temps suspendu dans un cocon protecteur. Le foyer a pris tout son sens – peut importe sa taille, c’était chez nous. Versus aujourd’hui le reste du monde.
Déconfiner comme le dit le Huffington Post, c’est retrouver un quotidien qu’on n’avait pas prévu de quitter mais qui semble aujourd’hui moins sexy ou même absurde (un job, des relations amicales ou amoureuses, la société de consommation…). C’est s’exposer au stress des conditions incertaines futures, à de nouveaux cérémoniaux sanitaires, à un danger potentiel permanent, mais aussi aux contraintes sociales, à une perte d’insouciance et à la déception d’un monde qui n’aura pas changé selon nos attentes. Ce confinement nous aura peut-être révélé/confirmé qu’on était pas en totale adéquation avec le monde du dehors, tout en nous offrant une impression d’harmonie entre notre univers intérieur (notre esprit) et extérieur (notre casa). Pour affronter l’épreuve psychologique de l’enfermement, nous avons créé des mécanismes de protection, sortes d’abris mentaux incarnés par notre home sweet home, dont nous avons désormais beaucoup de mal à nous extraire. Car c’est inévitable, il va nous falloir retrouver un jour l’extérieur…
Pour éclore à nouveau au monde, en douceur, voici quelques conseils.
1. Déjà sachez que vous n’êtes pas seul(e) dans ce cas. En Chine, en Espagne (comme dans cet article d’El País rapporté par Courrier International), partout dans le monde qui déconfine, des gens ressentent exactement la même chose. Vous n’êtes pas dingue – et ceux qui ne ressentent pas les choses comme vous, non plus.
2. C’est un syndrome, pas une maladie. Ce terme générique de « syndrome de la cabane » peut revêtir plein de raisons et d’aspects – par exemple, vous pouvez être plus sensible à l’aspect parano-sanitaire tandis qu’un(e) autre focusera sur une déception idéaliste face au monde. Peu importe, il est surtout important que vous identifiez cette tristesse contemporaine et posiez un nom sur elle. La reconnaître, c’est déjà reconnaître ce dont vous souffrez (et que vous souffrez).
3. Si le confinement a été une épreuve, prenez conscience que le déconfinement l’est aussi. N’ayez pas peur, this too shall pass comme on dit – rien ne dure. Comme un deuil, cela demande juste du temps. Accordez-vous ce délai, ne pressez pas la marche, il n’y a pas le feu au lac. Si vos symptômes anxieux et/ou dépressifs durent trop, vous pourrez toujours consulter. En attendant, pas de panique, parlez-en à vos potes, à votre famille – vous allez voir, ils comprendront et seront eux-mêmes probablement un peu dans cet état d’esprit.
4. Selon le psychothérapeute Bruno Vibert, nous réagissons souvent ainsi face à un traumatisme : une phase d’inquiétude (par exemple à l’annonce du déconfinement), une phase d’opposition (à ces changements au quotidien), une phase d’acceptation (la prise de recul et la réalisation des bénéfices de la situation) et une phase de découverte (avancer vers la nouveauté). Puisque nous avons déjà traversé les deux premières phases, la clé maintenant, c’est donc de faire ce petit pas de côté pour travailler à lister mentalement les aspects positifs de ce déconfinement. Car soyons lucides, il y en a. Plein.
5. Faites le point. Vous avez beaucoup appris sur vous, vos envies, vos rêves, vos capacités ? Tant mieux ! Avec cette histoire abracadabrante, vous avez vécu l’équivalent d’une retraite silencieuse dans un ashram en Inde pour les célibataires ou d’une vie en communauté pour les familles. Vous avez pris conscience de choses importantes que vous pouvez maintenant traduire dans votre nouvelle vie, alors allez-y, ouvrez le champ des possibles. C’est un luxe inouï.
6. Faites des projets de manière concrète. Vous avez eu votre dose d’incertitudes pendant ces 2 mois ? Donnez-vous la chance de réaliser quelque chose de tangible. Ça peut aller du micro (démarrer un programme de régime, repeindre sa chambre…) au macro (changer de travail, déménager…), mais ça commence toujours par la même chose : un papier, un crayon, une liste, des actions à mettre en place puis à exécuter. Du solide.
7. Faites gaffe à vous. Vous avez besoin d’être chouchouté(e) encore un peu, pas projeté(e) violemment dans le monde. Prenez donc des mesures soft. Flip de la contagion ? Équipez-vous bien avec du matos qui vous rassure (masque de compét, savon en feuilles, petit pschitt d’alcool ménager sur vous en permanence…). Peur de sortir dehors ? Faites un simple petit tour du pâté de maison et augmentez progressivement la dose les jours suivants. Phobie des contacts humains ? Rien ne vous force à accepter un dîner à 8, vraiment. Vous pouvez en revanche commencer par prendre un thé à domicile avec votre BFF qui a bien respecté les règles de distanciation sociale. Faites dégonfler votre anxiété à la cool et surtout, ne vous culpabilisez pas de ressentir de la peur (c’est totalement légitime dans ce contexte).
8. Vous aviez une quaroutine ? Recréez une routine tout court. Des trucs qui faisaient partie de notre quotidien d’avant ont forcément été zappés pendant ce confinement : c’est le moment de les réintégrer. Par exemple, s’habiller et se maquiller pour le monde extérieur ou séparer clairement le week-end de la semaine. N’hésitez pas à mettre le réveil un peu plus tôt le lundi et à chausser des chaussures de randonnée dès samedi, ça ritualise et ça fait du bien.
9. Vous avez créé de bonnes habitudes pendant ces deux mois ? Gardez-les ! Ce n’est pas parce qu’on revient presque à la « normale » que vous devez oublier ce que vous avez appris. Ménagez-vous des horaires et des moyens pour continuer à faire ce qui vous rendait heureux tout ce temps là (nourrir un levain, ça prend 5 minutes par jour et vous pouvez encore faire de la boulange le week-end).
10. S’il y a bien un truc qui marche à tous les coups (le conseil de base en méditation d’ailleurs), c’est : ayez conscience et lâchez prise. Accepter les choses telles qu’elles sont, avec lucidité et bienveillance, sans chercher à les empêcher d’être ou à avoir un contrôle absolu dessus, c’est avancer. Ok, le monde est upside down, votre monde aussi. Maintenant, respirez un grand coup et ouvrez les yeux : à partir de là, on construit quoi ? C’est à vous – et ça va être magnifique.